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    En décembre 2016, une journaliste a demandé à Isabelle Adjani : "Vous avez la beauté, l'intelligence, la sensibilité, le succès. Qu'est-ce qu'il vous manque?"

     

    "Ce qu'il me manque, en fait," a-t-elle répondu, "c'est ce qui semble manquer à la plupart des gens aujourd'hui, si j'en crois la colère qui monte, tout comme les extrémismes.

    Ce qu'il me manque c'est d'être la citoyenne d'un monde plus équitable, respectueux des hommes et de l'environnement...

    Ce qu'il me manque ? C'est de retrouver l'espoir."

     

    Un froid matin ordinaire en Europe. Tous les matins, après l'aube, à l'écran des Messageries de la Paix, Peace Lines, nous partons en quête des nouvelles de la terre la plus désolée qui soit en termes d'"espoir" - Palestine/Israël. Notre prospection touche la moindre trace de ce métal mental élusif qui va nous permettre de passer à travers. Vous vous souvenez peut-être que le corps humain est composé d'une trentaine de métaux rares qui lui permettent de fonctionner (fer, 4 grammes; zinc, environ 2 grammes; plomb, un dixième de gramme; cuivre, encore moins; nickel, chrome, argent, or, uranium même, en infimes quantités, avec du lithium, connu pour stabiliser l'humeur...). Aluminium, cadmium, titane, tantale... la liste est longue. Le seul qui n'ait pas été classifié est le mandelum, dont la fonction est de renforcer notre moral, ici nommé d'après l'homme qui y a le plus travaillé...

    Que l'on se représente un homme qui a passé 27 années cruciales de sa vie derrière des barreaux, qui a obtenu sa libération à l'âge de 72 ans, pour être élu Président de son pays à 75 : lui doit bien savoir ce qu'est l'espoir ! Justement, voici ce que Mandela en a écrit à sa femme, depuis la cellule étroite où il était enfermé :

    “La moisson de misères que nous avons récoltées suite aux frustrations et crève-cœurs de ces 15 derniers mois ne risque pas de s'effacer facilement de l'esprit. Je me sens comme si j'avais été plongé dans le fiel, imbibé, chaque parcelle de moi, de ma chair, de mon sang, os et âme, tant je suis amer de ne pouvoir t'aider en rien face aux rudes et terribles épreuves que tu traverses... 

    Malgré tout ce qui s'est passé, à travers le flux et reflux des marées de malchance de ces 15 derniers mois, je n'ai cessé de vivre dans l'espoir et l'attente confiante. Parfois j'ai même la conviction que cette sensation fait partie intégrante de moi-même. Elle semble tissée dans la trame de mon être. Je sens mon coeur qui pompe l'espoir régulièrement dans chaque partie de mon corps, qui me réchauffe le sang et me remonte le moral. Je suis convaincu que même des déluges de désastres personnels ne peuvent jamais noyer un révolutionnaire déterminé, non plus que l'accumulation de misères qui accompagnent la tragédie ne peuvent lui ôter le souffle. Pour un combattant de la liberté l'espoir est ce qu'une bouée de sauvetage est pour un nageur en danger - la garantie que l'on va rester à flot, protégé de tout péril mortel."

     

      

    Retrouver la route de l'espoir ? Il faut déjà chérir et nourrir en soi le sentiment profond qu'il existe quelque chose de l'ordre d'un minerai intérieur, du nom d'espoir, pour rare qu'il soit devenu. 

    Notre lot a été de partir à sa recherche dans les lieux les plus improbables (selon la "sagesse" dominante): de Jénine à Gaza, de Sderot à Jérusalem... Mais peut-être faut-il entendre ce chant, un des chants-mandelum, sur ce qui s'est passé à Jénine, et à Petah Tikva en Israël, O Ismà...

     

     

    L'histoire d'un petit Palestinien, Ahmed Khatib, qui a été abattu par un soldat israélien parce qu'il jouait avec une arme en plastique... dont les parents ont sauvé 5 vies, en acceptant de faire don de ses organes en Israël...  Après sa mort, son père a créé le Centre Ahmed Khatib pour la Paix dans le camp de réfugiés de Jénine, pour offrir aux enfants des alternatives à la vie (et à la mort) dans les rues - entre autres un cours sur la création de films, en liaison avec la réouverture du Cinéma Jénine. "Ce genre d'action est une forme de résistance," en dit Zakaria Zubeida, ex-chef de la branche armée du fatah à Jénine. "Cinq membres de la communauté israélienne sont maintenant porteurs d'une partie d'un corps palestinien. Je ne pense pas que quelqu'un porteur d'un organe palestinien va désormais tuer un Palestinien."

     

     

     Si cela a pu arriver dans une terre déchirée par la violence, la peur et la haine, sans doute des gens comme les parents d'Ahmed sont de ceux qui peuvent nous enseigner quelque chose sur les chemins de l'espoir... Vous vous souvenez de ces ruées vers l'or du passé ? La façon dont des milliers d'hommes quittaient tout dans leur quête du fabuleux métal ? Notre conviction, comme Messagers de Paix, est que l'Espoir est bien plus précieux que l'argent et l'or - et qu'il ne peut s'acheter auprès d'un orfèvre ou d'un orpailleur.​


    Retrouver la route, les chemins de l'espoir ? Cela passe par l'expérience. L'expérience du passé lointain, comme celle des moments récents, l'expérience des cycles, de tous les cycles sur lesquels nous surfons, consciemment ou non.

    Quel est le prix de l'expérience ? ont demandé tour à tour les poètes William Blake et Van Morrison. Les hommes peuvent-ils en acheter contre une chanson ? Tous nous payons le prix de l'expérience, en années de nos vies, c'est-à-dire avec tout ce qu'un homme a. Mieux vaut en être conscient. Confrontés à la sensation interne d'une peine de 27 ans (à perpétuité?) derrière d'invisibles barreaux, c'est alors que nous avons le plus désespérément besoin d'ouverture, d'espérance.

    As-tu réellement sondé cette muraille de routine sous tous ses angles ?

    Où trouver le début de la route qui mène à l'espoir ? Si la beauté est dans les yeux de celui, de celle qui contemple, alors l'espoir est dans l'esprit du chercheur. Il est là, précisément, à portée immédiate. Tout ce qu'il faut, c'est changer d'altitude, selon la formule de Bertrand Piccard (le premier à faire le tour du monde en ballon sans escale, et à copiloter le premier vol autour de la terre en avion solaire !).

    Ce n'est pas que l'on doive être un autre Mandela, Khatib, ou Piccard, une autre Leymah Gbowee, pour que le coeur commence ou continue à pomper l'espoir régulièrement dans chaque partie de notre corps, à nous remonter le moral. Il suffit de faire de la place, de faire le vide, pour retrouver l'espérance. Suspendre certaines connections, (ré)ouvrir des canaux. Alléger, réorganiser, suivre un autre plan. Oser risquer l'imprévisible : prendre ses risques, aller de l'avant.

     

         

     

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