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    Lettre de Liaison n°127

    25 mars 2024

    Ils ont besoin de nous

    Nous avons besoin de vous 

    « Chaque être humain doit décider s’il va marcher dans la lumière de l’altruisme créateur ou bien dans les ténèbres de l’égoïsme destructeur. La question la plus urgente et la plus constante dans cette vie est : que fais-tu, maintenant, pour les autres ? »   Martin Luther King, toujours.

    Pour dire ces choses autrement : il y a des porteurs de lumière autour de nous, dans notre monde, par la qualité de leur engagement, professionnel, ou privé, par ce qu’ils apportent aux autres, sans idée de profit – pour la beauté du geste. Et puis, il y a ceux qui empoisonnent, enfument les autres, par l’entêtement de leur force d’inertie, ou leurs aveuglements volontaires.

     Sur le deuxième panneau, porté par le cinquième garçon d’Al Yarmouk à Gaza [que sont-ils tous devenus ? que reste-t-il de leur école ?], Martin Luther King nous prévenait : « C’est encore une des tragédies de l’histoire humaine que les « enfants des ténèbres » soient fréquemment plus déterminés et plus actifs que les « enfants de lumière ».  

    Aussi avons-nous choisi, comme « porteurs de flambeau », témoins de notre temps tragique, deux hommes représentatifs tous les deux, du meilleur de leur peuple. L’Israélien Haïm Peri, de Nir Oz, à deux kilomètres de Gaza. Le Palestinien Ibrahim Abu El-Hawa, du Mont des Oliviers, à Jérusalem. Nous avons tant besoin de lumières, de clarté.

    Ces deux hommes ont besoin de nous. Terriblement. Ibrahim, né à la fin 1942, parce qu’il est le dernier des Bédouins hôte de tous, au sommet du Mont des Oliviers. Dans son humble maison aux murs blancs, sur trois étages, la Maison de la Paix, il a reçu des milliers de visiteurs, de pèlerins, sans rien attendre en retour. Il les a nourris, logés, sans limites, aidés de toutes les façons qui lui étaient possibles. Sa générosité est légendaire.

    Dans notre culture bédouine, dit-il, quand on est de passage, durant trois jours vous n’avez pas le droit de demander à un invité son nom ; il faut d’abord qu’il se repose, le nourrir, et après, on lui demande ce dont il a besoin dans la ville, et on essaie de l’aider… De nombreux membres de ma famille n’ont pas étudié à l’école, et ne savent ni lire ni écrire, mais ils nous ont appris le langage sacré de l’amour, de la paix, et de l’accueil.

    Dans notre croyance, ajoute-t-il, étudier une langue est quelque chose de sacré (Ibrahim parle couramment arabe, hébreu, anglais, russe…). Toutes ces histoires de langue arabe ou hébraïque, entre Arabes et Juifs, toutes les histoires des deux peuples, c’est ce qui nous sépare. Nous avons la tête dure, nous ne voulons rien céder, et en même temps, nous sommes esclaves de ça… Le mur qui nous sépare, ce n’est pas le mur que le gouvernement a construit en béton et métal… La vraie séparation entre toi et moi – fais attention, celle-là est dangereuse. Les murs tomberont seulement lorsque plus de gens seront connectés. Tous les livres sacrés disent d’aimer son voisin comme son frère et comme soi-même. Comment peux-tu aimer ton voisin si tu ne lui rends jamais visite, si tu ne lui parles pas ? »

    Si Ibrahim a besoin de nous, aujourd’hui, fin mars 2024, c’est que sa Maison pour Tous – qui est notre port d’attache à Jérusalem – a subi le double assaut du coronavirus et de la guerre de Gaza. Bruissante de vie, d’échanges dans toutes les langues du monde, de rires, jusque fin 2019, toujours pleine d’une douzaine d’hôtes et plus, elle est aujourd’hui froide et vide. Or elle est le seul lieu d’accueil universel à Jérusalem (tous les autres sont sélectifs, confessionnels, exclusifs : juifs entre juifs, catholiques entre catholiques…). Elle est ce phare vivant, tout en haut du Mont des Oliviers, qui « veille », à sa façon, sur la Vieille Ville, de l’autre côté de la Vallée du Cedron.

    De Jérusalem, ce matin ce message : Pas de vie à Jérusalem… pas de touristes… pas de travail… et pas d’espoir. [Nombre d’églises sont fermées à défaut de pouvoir en payer les gardiens].

    Il faut relever la vie. Tant que subsiste un souffle de possible, un peu de sincérité, d’espoir.

    Que survive la Maison de la Paix, ce parfait emblème de la Cité de la Paix.

     

     Pour la troisième semaine consécutive de ramadan, des dizaines de milliers de musulmans se sont rassemblés entre la Mosquée El Aqsa et la Mosquée du Dôme, pour des rituels pacifiques, sans incident. Contre les consignes des islamistes, donc, qui voulaient encore mettre le feu aux poudres humaines. Encore huit jours pour confirmer cette victoire de la non-violence active.  
     

     

    Pâques 2024. Un voile de sable ocre, orange, venu du Sahara, recouvre le Sud de la France et les Alpes. Dans les Alpes du Sud, les « stations de ski sont complètement plongées dans un ciel de sable ».

    Des mégatonnes de particules se déposent sur la neige, les véhicules, les toits, assiègent nos poumons.

    D’Athènes le 27 mars à Nice, Montpellier, Lyon, Genève, Davos, le 30, « on a des dépôts sableux très importants sur toutes les surfaces (…) Il y a une très forte pollution aux PM10, ce sont des particules fines qui peuvent rentrer dans les poumons. C’est très mauvais pour la santé. »

     

     

    Distance Hassi-Messaoud – Grenoble : 1.500 km à vol d’oiseau. Reggane – Zürich : 2.400 km.

    Pour rappel, distance Sderot – Athènes : 1.200 km. Gaza – Rome : 2.270 km.

    Les retombées des vents du Sahara remontent jusqu’à « nous ». Les ondes de choc du volcan de Gaza ne « nous » épargnent pas.

    Alors, « l’ignorance c’est la force », et… « la liberté c’est l’esclavage », « la guerre c’est la paix »,  comme le veulent les slogans du monde totalitaire de 1984 ?

    « La paix n’est pas la résolution de conflit comme fin en soi; c’est une méthode, ou un moyen, qui émerge de notre monde… » dit le cinéaste allemand Wim Wenders, dans son livre, Inventing Peace,écrit en 2013 avec Mary Zournazi – à condition que: « … le monde soit vécu de manière plus véridique, plus honnête, avec attention, compassion et confiance, et cela implique une curiosité active. »

    Et il ajoute, simplement, « Comme l’écrit Michel Serres, ‘Nous devons décider de la paix entre nous, parmi nous, pour protéger le monde, et de la paix dans le monde pour nous protéger nous-mêmes.’ Ou, pour le dire autrement, nous devons inventer la paix. »

    Nous devons inventer la paix.

    Comme si elle n’existait pas encore. Comme si elle n’avait jamais existé. A-t-elle jamais existé ?

     

     

    Vous allez peut-être croire que je digresse, depuis l’histoire d’Ibrahim. Pourtant, non. Il y a des chercheurs de paix, constants dans leur quête. Comme il y a des chercheurs dans leurs laboratoires, ailleurs, des chercheurs d’or, de pierres rares. Haïm Peri, né en 1944, est l’un d’eux. Haïm aura 80 ans en avril, bientôt.

    Son anniversaire est parti pour avoir lieu dans un tunnel de Gaza, après 180 jours de séquestration. Mettre la rage et l’effarement sous contrôle.

     

    Depuis quand kidnappe-t-on des hommes et des femmes de quatre-vingts ans ?

    A Nir Oz, le village de Haïm, Rita Lifshitz m’a montré une photo récente de sa belle-mère, Yocheved, libérée en novembre dernier, qui a croisé Haïm dans un de ces tunnels insalubres, humides, sans air.  Yocheved avait 85 ans lorsqu’elle a été enlevée. Dans un de ces tunnels de la honte elle a rencontré le chef militaire des islamistes, avant d’être relâchée en échange de militants condamnés pour violences et attentats. Elle a osé lui tenir tête, et lui crier sa colère : « Comment pouvez-vous ne pas avoir honte de vous-même, faire ça à des gens qui ont toujours soutenu la paix ? »

    Sinwar est resté silencieux.

     Il détient toujours Oded, le mari de Yocheved, 80 ans, Yoram Metzger, 80, et Amiram Cooper, 84, deux de leurs voisins, avec Haïm Peri. Les Lifshitz, comme Haïm Peri, des années durant, ont convoyé des habitants malades de Gaza, avec l’organisation Road to Recovery, depuis le Terminal d’Erez jusqu’à des hopitaux spécialisés d’Israël. Bénévoles, volontaires de la coexistence bienveillante.

    Vous vous demandez ce que c’est, Nir Oz, leur communauté ?

    C’était un hâvre de paix de trois cent trente âmes, à moins de deux kilomètres de leurs « voisins », comme ils les appelaient.

    Haïm, comme tant d’autres de cette « Enveloppe de Gaza », définissait sa vie par la terre sur laquelle il vivait, une terre aride, qu’il a travaillée de ses mains, qu’il a cultivée plus de cinq décennies. Cette terre sur laquelle ils font pousser des pommes de terre, des asperges, des arachides. Dans l’idéal créateur, égalitaire, d’une communauté où l’intérêt particulier disparait derrière l’intérêt commun.

    A 6h30 du matin, le 7 octobre, les sirènes ont retenti, et tous se sont enfermés dans leurs abris bétonnés. Ils ont dix secondes pour cela. En règle générale, ils y restent quelques instants avant de ressortir. Pas ce matin-là, où plus de deux mille fusées, roquettes, ont été lancées de Gaza. Haïm et sa femme Osnat sont restés interminablement dans l’abri, avertis qu’il y avait une attaque terroriste dans leur communauté.

    Lorsqu’il les a entendus entrer chez eux, comprenant qu’ils mettaient le feu aux abris qui ne leur cédaient pas, il est sorti , comme s’il était seul, et s’est rendu, laissant sa femme cachée derrière un canapé, invisible.

    Je ne savais rien de Haïm Peri avant le 7 octobre. Ce qui m’a arrêté chez lui, c’est une photo prise par ses kidnappeurs.

    La barbe obligatoire qu’ils portent tous les trois en détention. Et surtout, la colère froide de son regard.

    Colère sacrée.

    Les sortir de là, tous.

     

     Cessez-le-feu avant le 9 avril ?

    Le 25 mars 2024, le Conseil de Sécurité des Nations Unies a voté la Résolution 2728, exigeant la libération immédiate et inconditionnelle des otages, avec un cessez-le-feu immédiat. Approuvée par 14 nations sur 15 (parmi elles, l’Algérie, l’Equateur, le Japon, le Mozambique, la Slovénie, la Suisse, et les 4 membres du noyau du Conseil : la Chine, France, le Royaume-Uni, la Russie) – avec une abstention, les Etats-Unis. C’est une résolution de peu de mots (267), à la fois concise et précise.
    Nous l’avons analysée en détails sur notre site http://www.peacelines.org/nobel-call-spring-2024-c33442179

    Comme toujours, les avis sont très clivants, et c’est bien ce qui empoisonne la réflexion.

    Ne pas se précipiter pour prendre parti, pour juger, à tort et à travers !

    Voilà un texte court et comminatoire : il déplore toutes les attaques et violences contre des civils, tous les actes de terrorisme, et rappelle que la prise d’otages est prohibée selon le droit international.

    Il exige, sur le même plan, « la libération immédiate et inconditionnelle de tous les otages » et un « cessez-le-feu immédiat», qui « conduise à un cessez-le-feu durable, soutenable ». Huit fois le mot « humanitaire » y est employé, une fois le mot « humain ».

    Ne pas ignorer, encore moins se moquer de ces tentatives des Nations Unies.

    Le monde en question existe, avec ses limites et ses raisons d’être. C’est à nous de le connaître un peu, de chercher à comprendre, sans a priori.

    En tant qu’o.n.g. humanitaire, nous lançons, ce lundi de Pâques, une neuvième campagne à destination des Prix Nobel, disponible sur notre site (voir plus haut).

    La situation actuelle en Israël, sur le pied de guerre, et dans la Bande de Gaza dévastée, ne peut, ni ne doit se prolonger indéfiniment.

    Après trente missions en « Terre Sainte » depuis l’an 2000, il est simple d’affirmer que nous nous sentons solidaires de la souffrance des populations otages des extrémistes, tant palestiniens qu’israéliens.

    Nous ne pouvons pas nous cantonner au formatage réducteur des mass media et des réseaux sociaux. Pour sortir des sables mouvants du désespoir, le plus simple est de se mettre en mouvement, oser savoir, oser chercher. Penser par soi-même.

    Messagers de paix, c’est ce que nous faisons, en y allant, sans filtres médiatiques.

    Sur les 1.500 euros que nous avions en caisse début janvier, nous en avons fait parvenir mille aux familles de Gaza qui nous sont connues depuis quinze ans.

    Dans les semaines à venir, il nous faut retourner à Jérusalem, la Maison de la Paix, d’Ibrahim, et à Nir Oz, communauté martyre aux portes de Gaza.

    Dans le fervent espoir d’y trouver la famille Lifshitz au complet, et que les prisonniers des tunnels de Gaza, Haïm Peri et ses voisins, aient pu enfin rentrer chez eux. Nous comptons sur vous pour cela.

    Notre engagement reste celui de Wim Wenders et Michel Serres. Vivre le monde de manière plus véridique, plus honnête, avec compassion…

     

     

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