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    Lettre de Liaison n°128

    20 avril 2024

     

    Martin Luther King, dans son exhortation à sortir des auto-confinements dans lesquels nous végétons (LdL 125) affirme que l’on n’a pas « commencé à vivre » - ce qui s’appelle vivre – tant que l’on ne s’extrait pas de ses zones de confort (« le périmètre étroit de ses problèmes d’individualiste »). Cela semble sévère ? Kant ne disait pas autre chose, dès 1784, dans son court manifeste Qu’est-ce que les Lumières ?

    « Sapere Aude ! Ose savoir ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement. »   Kant

     

    Ces photos nous montrent, l’une, des gens en marche pour les 130 hommes et femmes détenus quelque part dans les tunnels de Gaza. Couverts de toile de sac pour le symbole. Et le dôme de la mosquée d’Omar à Jérusalem, sous les points lumineux de l’interception de missiles en haute altitude, lancés d’Iran dans la nuit du 13 au 14 avril.

    Ce n’est pas de la peur qu’il est question d’éprouver en ce moment. Plutôt une forte dose de colère, d’irritation, mêlée de tristesse. Comme si l’on n’avait rien d’autre à faire que de chercher à connaître les caractéristiques de ces bombes volantes lancées par les généraux de Téhéran.

    120 missiles d’une quinzaine de mètres de long, qui parcourent plus de quinze cent kilomètres en douze secondes, à une altitude entre 10.000 et 30.000 m, pour une vitesse terminale de Mach 7 : 8.645 kmh, 2 km et demi par seconde. Le réservoir de carburant à lui seul mesure 11 m. On en a retrouvé un vide flottant sur la Mer Morte. Ci-contre.

    Colère, tristesse ? Ces 120 missiles exoatmosphériques inaugurent pour notre espèce la guerre de l’espace, puisqu’ils ont été interceptés hors atmosphère. Ils ont seulement blessé une petite fille bédouine, dans le Negev, par des retombées. Petite fille sans nom ni visage, dont on ne sait ni l’âge ni l’état actuel. Une petite fille, n’est-ce pas, fille de bédouins…

    S’ils n’avaient pas été interceptés, combien de morts civils cette attaque aurait-elle faits ?

    Sommes-nous au bord d’un gouffre, d’une guerre comme celles de 1991 (Iraq-Israël) ou de 2006 (Hezbollah libanais – Israël) ? Le groupe germano-suisse Lufthansa a annulé tous ses vols pour Israël, ainsi que les hollandais de KLM, Air Canada, les américains de United Airlines. Les uns pour une période limitée, d’autres sine die.

    Ecoles fermées, comme dans le nord du pays, aéroport vide, angoisse des abris, des sirènes ?

    Ce n’est pas abstrait : nous avons pris un billet d’avion à 500 € pour cette dernière semaine d’avril, retourner à Sderot, Nir Oz, Jérusalem, Naplouse. Quel est le risque d’explosion générale dans les jours à venir ? Syndrome d’octobre 1962, la crise de Cuba entre Moscou et Washington ? Lorsque le monde était à un fil d’une désintégration nucléaire.

    Nous savons depuis 2022, avec la guerre en Ukraine, que Russes et Américains sont retournés aux années ténébreuses de la guerre froide (1945-1991). Les civils et enrôlés russes et ukrainiens en paient le prix quotidien, de leur sang. Les marchands d’armes (américains, russes, européens, iraniens), eux, n’ont jamais eu la vie si belle.

    Le bombardement d’Israël la nuit du 13 au 14 avril a servi de test, sur les performances respectives de la firme AIO (Aerospace Industries Organization) qui fabrique les missiles Emad iraniens, et les firmes IAI (Israel Aerospace Industries) et Boeing, qui fabriquent les anti-missiles Arrow, ci-contre, chargés d’intercepter tout Emad, avec un taux de succès de 99% nous dit-on. Moins longs (7m), d’une portée plus réduite (150 km), à combustible solide, ils ont une vitesse supérieure aux Emad (Mach 9 contre Mach 7) et une précision meilleure, de 4 mètres contre 50.

    Tournant dans l’histoire de l’humanité : c’est du début de guerres spatiales qu’il s’agit, puisque les interceptions ont lieu hors atmosphère terrestre.

    « On » nous rassure pourtant : le match AIO-IAI est gagné d’avance, par le Bon Côté – qui regroupe, en fait, une coalition de pouvoirs modérés, parmi lesquels la Jordanie et l’Arabie saoudite, au-delà d’Israël et de son garant américain, face à une autre coalition, évidente, de puissances totalitaires : l’Iran des ayatollahs, en affaires avec la Russie et la Chine.

    D’ailleurs, les Emad peuvent nous rappeler par leur taille les V2 du totalitarisme nazi.

    On se souvient que le régime des ayatollahs a condamné à mort l’écrivain Salman Rushdie en 1989, pour « blasphème », et que la sentence a été appliquée à deux reprises, l’été 1989, et 33 ans après, l’été 2022. S’il a survécu miraculeusement à douze coups de couteau, il a perdu l’usage d’un œil et d’une main. Lire, de lui : Le Couteau: Réflexions suite à une tentative d'assassinat, paru en avril 2024 (Gallimard). L’écouter aussi :

    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/a-voix-nue/le-couteau-et-le-miracle-3289747

    Rushdie nous parle de « la bataille des récits », par quoi une société survit, ou s’effondre. C’est un fait : où que nous soyons, Paris les 7 janvier et 13 novembre 2015, Nice le 14 juillet 2016, Berlin le 19 décembre de la même année, Londres le 22 mars 2017 et Manchester le 22 mai, Strasbourg le 11 décembre 2018, Utrecht le 18 mars 2019, Eragny-sur-Oise le 16 octobre 2020, Vienne le 2 novembre, Oslo le 25 juin 2022, Re’im le 7 octobre 2023, Arras le 13 octobre 2023, Krasnogorsk le 22 mars 2024… au nom d’une idéologie, d’une représentation squelettique d’un dieu vengeur et sanglant, une partie de l’espèce humaine définit le monde selon deux types d’espace seulement : Dar al-Harb, le Territoire de la Guerre, où tous les coups sont permis contre l’ennemi, le mécréant, et Dar al-Islam, le Territoire de la Soumission (à Dieu, cela va sans dire, à son dernier prophète, et à tous ses juges, ses sicaires).

    Nous oublions,  par hygiène mentale, nous qui vivons de Paris à Strasbourg, Berlin, Oslo… mais il est recommandé de comprendre où l’on met les pieds, de quoi notre monde est fait.

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_attentats_islamistes_meurtriers_en_Europe

    Et pendant ce temps, les marchands d’armes et leurs media se frottent les mains : tout ce qui inquiète l’individu, tout ce qui le déstabilise, l’affecte, l’effraie, est tellement bon pour leur commerce. Voir à ce sujet, la liste des 10 principaux exportateurs d’armes :

    https://www.cnews.fr/monde/2024-03-14/voici-les-10-pays-qui-exportent-le-plus-darmes-dans-le-monde-1468236

    https://fr.euronews.com/business/2024/03/11/la-france-detrone-la-russie-et-devient-le-deuxieme-exportateur-darmes-au-monde

    Notons, au passage, la 33ème place qu’occupait hier l’Iran, avant de grimper à la 17ème dernièrement, voire la 16ème selon certains classements. Avec l’ambition bien comprise d’entrer dans le Top Ten mondial, et d’y détrôner la Corée du Sud, 10ème, voire Israël, 9ème.

    Tout aussi intéressant, le Top Cent des sociétés productrices d’armes, avec leurs revenus chiffrés pour 2021 et 2022 :

    https://www.sipri.org/visualizations/2023/sipri-top-100-arms-producing-and-military-services-companies-world-2022

    Où l’on remarque que, sur les cent sociétés de destruction-massive, 42 sont américaines, 8 chinoises, 5 françaises, 2 russes… Analyse des conflits à l’aune des profits qu’ils génèrent : il s’agit de devancer, d’éliminer la concurrence. Tous les discours seront bons pour ça, au nom de la « démocratie », de la « liberté », de la « nation », de la « résistance », etc.

    Où l’on voit aussi que l’alliance IAI (35ème société mondiale) et Boeing (4ème) n’a pas grand-chose à craindre d’un concurrent, AIO, même pas classé dans les Cent, et dont les produits ne font pas le poids. Comme vient de le démontrer l’épisode de la mi-avril 2024.

    « Fausse guerre » de 2024 : chaque missile Arrow vaut la bagatelle de 3 millions de dollars, les duels de missiles nous sont quasi invisibles, et les Masters of War jouent sur leurs écrans.

    Le côté farce de la chose, c’est que les maîtres de Téhéran, finalement, travaillent pour… font le jeu, si vous préférez, de l’industrie de guerre israélienne.

    Ynet News peut bien titrer, ce 20 avril :

    « Israeli defense industry sees impressive rise after Iranian attack »

    « L’industrie de défense israélienne voit un pic impressionnant après l’attaque iranienne ».

    https://www.ynetnews.com/business/article/sycwdrzwr

    Le 21 avril, on sait enfin l’identité de la fillette grièvement blessée par un éclat de missile iranien, Amina Hassouna, et son âge, 7 ans. « Je ne sais pas ce qui s’est passé, » dit son père Mohamed, « On dormait tous. On n’a pas d’abri. On a entendu les sirènes, et puis quelque chose a frappé la maison, et sa mère a remarqué qu’elle était blessée. »

    Vivre partout avec des abris blindés ?

    https://www.timesofisrael.com/we-have-no-shelter-says-bedouin-dad-of-girl-7-badly-hurt-by-iran-missile-shrapnel/

     

    Dans notre Lettre de Liaison de mars 2024 (127), nous terminions sur la question « Cessez-le-feu avant le 9 avril ? », dans la ligne d’une bonne Résolution du Conseil de Sécurité des Nations Unies, adoptée à l’unanimité des quinze (dont une seule abstention,  aucun véto). C’était envisageable. Mais le 1er avril, l’état-major iranien à Damas est décapité (sans signature,  mais qui d’autre qu’Israël ?). Le 7 avril, les chefs du Hamas et du Jihad Islamique Palestinien sont convoqués à Téhéran. La nuit du 13 au 14, l’attaque de drones et de missiles contre Israël est déclenchée. On a compris que les pourparlers du Caire, pour un cessez-le-feu à Gaza,  étaient suspendus.

    Importance de la chronologie exacte, pour y voir clair. Oser savoir. Et comprendre.

    Ne pas se laisser enfumer, embrouillarder, par le quatuor dominant des chaînes d’info.

    Qui a dit, « Il n’y a pas plus grande, plus extraordinaire bénédiction que l’absence de journaux, l’absence de nouvelles sur ce que peuvent inventer les humains aux quatre coins du monde pour rendre la vie vivable ou invivable » ? Ajoutant, « Les media engendrent mensonge, haine, voracité, envie, suspicion, peur, cynisme. Qu’avons-nous à faire de ‘la vérité’, telle qu’ils nous la servent ? ».

    Sapere Aude ! Ose savoir ! Formule que Kant emprunte à Horace, poète latin, né 65 ans avant notre ère. Horace à qui l’on doit aussi le Carpe Diem. « Cueille le jour, et ne crois pas au lendemain ».

    Même combat, d’Horace à Salman Rushdie, pour « simplement » ( !) un esprit plus ouvert, une possibilité entre nous de dialogue, d’abord.

    Savoir de quoi l’on parle au juste, et éradiquer le reste.

    1644 mots déjà, dans cette Lettre, en 4 pages, 124 lignes. Soit sept minutes de lecture.

    Vite, on est pressés… Il nous reste un peu moins de mille mots sur deux pages ?

    La lettre précédente comptait un peu plus de deux mille mots, avec plus d’images.

    Qu’y a-t-il d’urgent, d’essentiel à partager, maintenant, ce 21 avril ?

    1-      Nous ne croyons pas à une extension de la guerre en Orient – ou bien nous n’aurions pas pris ce billet d’avion jusqu’à début mai. Cf. pp 1-3 de cette Lettre.

    2-      Première destination en Israël : les communautés dévastées de la ceinture de Gaza, d’où ont été enlevés Haïm Peri, Oded Lifshitz, Alex Dancyg, Yoram Metzger, Amiram Cooper, Naama Levy, Noa Argamani…

    3-      Continuer à soutenir nos amis palestiniens, à Gaza et Jérusalem, qui subissent de plein fouet le coût humain et matériel de la guerre enclenchée par le Hamas (LdL127).

    4-      Attirer l’attention de nos interlocuteurs palestiniens (et pro-palestiniens exclusifs) sur le fait que les chefs islamistes font, en réalité, le jeu des marchands de missiles en tous genres, et que leur stratégie est désastreuse pour tous, depuis des années, à commencer pour la population de Gaza.

    5-      Informer tous nos amis Nobel (avec qui nous avançons depuis 1995) du succès de notre « campagne à bas bruit » de la mi-mars pour la libération de l’ex-ministre de l’éducation palestinien Nasser Al Shaer. Détenu depuis des mois, il a été libéré le 2 avril, et c’est une des raisons de ce voyage.

    6-      Reprendre notre Appel de Jérusalem et Naplouse, de là-bas, pour baliser la voie d’une sortie de guerre. Une campagne de plus d’ampleur que celle de mars. En premier vient le sort des otages enlevés le 7 octobre.

    7-      Définir nos besoins concrets (« Ils ont besoin de nous, Nous avons besoin de vous »).

    Nous avons commencé l’année avec 1.534 € en caisse (une action de fond ne demande pas un budget de dizaines de milliers d’euros !). Mille sont partis à Gaza, pour trois familles déplacées à Rafah, qui nous sont connues depuis quinze ans. Cinq cents euros ont été dépensés lors du voyage de février-mars 2024. Il nous reste, ce jour, vingt euros. Et les frais de ce second séjour de 2024 ont dû être avancés.

    Our 10 th Campaign, March 2024 Photos du Dr Al Shaer avant et après sa détention. Le danger de tout conflit est la diabolisation en bloc des membres des parties au conflit.

    Les responsables militaires et politiques des souffrances humaines indicibles de tant de centaines de milliers de personnes, Palestiniens et Israéliens, devraient passer en jugement, si une Cour Internationale de Justice digne du nom existait. Mais cela n’est pas de notre ressort.

    Ce qui l’est, c’est bien d’oser savoir, oser comprendre, et prendre notre part, si petite soit-elle. Que personne ne puisse dire : vous saviez, et vous n’avez pas réagi.

     

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