• 22 novembre 2014 [51 ans après l’assassinat de John F. Kennedy] : "Nous n'aurons jamais la paix dans le monde tant que les hommes ne reconnaîtront pas, partout, que les fins ne sont pas détachées des moyens, parce que les moyens représentent l'idéal en devenir, et le processus même des fins." (Martin Luther King) 

    Certains, parmi nous, ont du mal à saisir le sens exact de cette phrase sur les fins et les moyens.

    La fin, en ce sens, est le but final que l’on poursuit.

    Les moyens sont les méthodes et outils que nous employons pour y parvenir.

    Prenez le cas de l’attaque de la synagogue d’Har Nof à Jérusalem, le 18 novembre 2014. 4 rabins y ont laissé la vie, 7 autres personnes y ont été blessées, au cours de leurs prières du matin. Le « but final », tel qu’il a été revendiqué par un parti palestinien (le PFLP), était une protestation véhémente contre l’Occupation – protestation maculée par le sang versé, totalement défigurée par les moyens employés : couteau, hachoir, arme à feu. 

    Semblablement, l’attaque massive au couteau dans la gare de Kunming, en Chine, le 1er mars 2014, qui a fait 29 morts et 130 blessés. Ou l’attaque de Tien an Men, à Pékin, le 28 octobre 2014, lorsqu’un 4/4 a percuté un groupe de piétons, en tuant 5, blessant des douzaines.

    Que ce soit à Pékin ou Jérusalem, au nom du « jihad » à Pékin ou du « jihad » à Jérusalem, l’emploi d’un véhicule pour mutiler et tuer des piétons, des passants, conduit à l’auto-destruction du but et de l’idéal que l’on poursuivait.

    Nous n’avons pas davantage oublié la caisse de dynamite placée sous les marches de l’Eglise Baptiste de la 16ème Rue, à Birmingham, Alabama, par un groupe du Ku Klux Klan, qui a pris les vies de 4 jeunes filles, et qui en a blessé 20, sur les 26 adolescentes qui entraient alors dans l’église.

    La dynamite était-elle plus légitime employée par les gens du Ku Klux Klan en 1963, ou par ceux de l’Irgoun réputée d’« extrême-droite », déguisés en Arabes, à l’Hôtel King David, à Jérusalem, le 22 juillet 1946, qui a pris les vies de 91 personnes de nationalités diverses, et qui en a blessé 46 ?

    Les armes à feu étaient-elles légitimes, employées par un tueur juif de la « droite radicale », membre du Kach, qui a tué 29 Palestiniens musulmans au cours de leurs prières dans le Caveau des Patriarches, à Hebron, le 25 février 1994, en blessant 125 autres ?

    Les armes à feu sont-elles légitimes, employées par des tueurs somaliens du mouvement Al Shabab, ce 22 novembre 2014, pour détourner un bus et tuer tous les passagers non-somaliens qui ne pouvaient pas réciter un passage du Coran ? 28 passagers sur la route de Nairobi, dans le comté de Mandera au Kenya, n’ont pas pu « prouver leur appartenance à l’Islam » et ont été exécutés à bout portant, d’une balle dans la tête.

    Qui peut encore prétendre ne pas comprendre la question des fins et des moyens ? Qui peut vraiment, d'Amman à Jérusalem, et au-delà, affirmer encore que la violence est une « réponse naturelle », compte-tenu des circonstances de l’Occupation ? 


     

    Sans doute ignorons-nous, ou avons-nous oublié le sort de Denise McNair, de Birmingham Alabama, qui devrait avoir 62 ans aujourd’hui ; d’Addie Collins, Cynthia Wesley et Carole Robertson, qui devraient en avoir 65 ; mais la route de la terreur est la même, qui conduit de Jérusalem en 1946 à Jérusalem en 2014, et de Birmingham, Alabama, en 1963 à Hebron en 1994 et à Kunming, Tien an Men, Mandera en 2014.

    Ces quatre petites filles ont leurs regards plantés dans les nôtres, bien que leurs images aient pâli, comme sont plantés dans nos regards ceux de quatre autres petites filles, tuées à Gaza en juillet 2014 : Yasmin Al Mutawaq, 3 ans, de Jabaliya ; Raneem Ghafoor, 1 an, de Khan Younis ; Safa Malaka, 6 ans, et Marwa al Batsh, 7 ans, de Gaza City.  Avec ceux de 500 autres enfants, qui n’ont pas été tués par des membres du Ku Klux Klan, mûs par la haine raciale, mais par des pilotes diplômés de tanks, de bombardiers, d’hélicoptères, qui ont agi sur ordres, tirant missiles et obus d’une distance confortable. 

     

    Nous n’avons pas de photos de Yasmin, Raneem, Safa et Marwa. Nous avons seulement un quotidien britannique, The Telegraph, qui a publié, le 26 août, la liste des enfants tués à Gaza durant les 50 jours du conflit, et qui les a nommés l’un après l’autre. On trouve encore des photos d’enfants sacrifiés à Gaza en ligne, comme on trouve des photos du petit Daniel Tregerman, 4 ans, tué par un obus de mortier, dans le Kibboutz Nahal Oz, le 23 août 2014 – avec des photos de Naftali Fraenkel, 16 ans, Gilad Shaer, 16 ans, et Eyal Yifrah, 19 ans, kidnappés à Gush Etzion, au nord d’Hebron, et assassinés le 12 juin 2014 ; suivis par Mohammed Abou Khdeir, kidnappé à Shoafat et brûlé vif dans laForêt de Jérusalem le 2 juillet 2014. 

    Qui, maintenant, peut encore être tenté de penser que la route de la terreur, conduisant d’un massacre à un autre, poussé par la soif de vengeance, est légitime – que le moyen employé soit le couteau, le hachoir, la voiture, l’arme à feu, ou l’hélicoptère Apache ?

    Qui peut encore appeler au renouvellement de telles attaques,  sous le prétexte qu’elles nous rapprocheraient d’une « libération », ou d’une « préservation » ? Que l’on pense à la Syrie aujourd’hui. A l’Irak. A la Libye. A l’Egypte, si proche. 

    Nous ne sommes pas des automates privés de raison ! Nous avons, chacun de nous, le choix. Entre la voie tunisienne, pacifique, porteuse d'espoir, et la voie syrienne, horrifiante, terrifiante. Cela commence toujours par nos propres mots et décisions, que nous parlions et agissions en faveur du couteau, de l’arme à feu, de la bombe, de l’Apache, ou que nous refusions de nous précipiter à l’abîme, conservant une claire perception du rapport vital – ou fatal – entre les moyens et les fins.

    Vous ne construirez jamais un monde meilleur, plus libre, avec des gens qui traitent les êtres humains comme de la viande, et dont les symboles sont devenus le hachoir et le couteau de cuisine.

    Qui veut d’une société où des bouchers saisis de démence, des bourreaux aveugles, seraient la norme ? Que ce soit à bout portant, ou d’une distance confortable. Personne n’est un « héros » par le sang répandu !

    S’il est une “distance confortable » à garder, c’est celle qui sépare ceux qui veulent tuer et mutiler, des autres, dont nous sommes, qui croient en la sainteté de la vie humaine. De toute vie humaine.

    Dans sa dernière prise de parole, à Memphis, Tennessee, le 3 avril 1968, Martin Luther King nous a laissé cet avertissement :

     « Ce n’est plus une question de choix entre violence et non-violence dans ce monde ; mais de non-violence ou de non-existence. C’est là où nous en sommes aujourd’hui. » 

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