• Lettre N° 112 - Avril-Décembre 2020

     

     

    Lettre N° 112 - Avril-Décembre 2020

    PEACE LINES

    MESSAGERIES

    DE LA PAIX

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    peacelines@gmail.com

     

    Lettre N° 112 - Avril-Décembre 2020

     

     

     

    Lettre de Liaison n°112

    Fin avril 2020 – Fin décembre 2020

    « We’ll meet again”

    Chers amis,

    Le rédacteur de ces lignes a souvent pensé que le nom de notre organisation pourrait aussi bien être Messageries de l’Amitié. Pour prendre un mot qui n’est pas trop « gros », pas trop ronflant. Qu’éprouvions-nous d’autre, lorsque nous étions au contact de… nos amis croates, serbes, bosniaques, sur la Route Diamant qui conduisait à Sarajevo assiégée, l’été, l’hiver 93 ? Un sentiment instinctif d’empathie, d’identité humaine, de fraternité sans phrases.Ces inconnus la veille étaient devenus des amis de toujours, leur sort était le nôtre.

    Si vous trouvez « amitié » trop court, « empathie » trop savant, « fraternité » douteux à force d’être galvaudé, essayez : bienveillance, compassion, souci de l’Autre. Mais ces vertus (rares encore), que sont-elles sans disponibilité, sans présence, sans constance ?

    La pandémie de 2020 nous pousse dans nos retranchements. A tout vérifier, tout redéfinir, comme tâche vitale, de survie, de réorganisation complète, de fond en comble. Non seulement parce que le rédacteur de ces lignes a contracté le coronavirus à Londres en mars, mais parce que la France, où se trouve le siège de Peace Lines, est au troisième rang mondial pour ce qui est du nombre de morts du virus. Derrière les Etats-Unis (63.000 le 1er mai 2020) ; l’Italie (28.000) ; ex-aequo avec l’Espagne (24.500).

    Si le pays est sauvé en ce moment, c’est par la force des femmes, infirmières, aide-soignantes, qui prodiguent leurs soins, leur lumineuse présence, à tous ceux qui souffrent dans les hôpitaux. Sans sous-estimer le rôle de ces architectes sanitaires que sont les médecins – des hommes en grande majorité.

    Paroles de l’une d’entre elles, au chevet de ma propre mère accidentée, hospitalisée :

    « On se questionne comme jamais. On n’a pas le choix : il faut réfléchir ! Relire la Peste par exemple… Faire retour aux priorités essentielles. On n’a pas tous le même « logiciel ».

    Il faut se recentrer. Ce n’est pas de l’égoïsme, au contraire. »

    Qui sommes-nous, Messagers de Paix ? Que pouvons-nous ?

    Relire l’Article 2 de nos Statuts :

    Peace Lines est un mouvement de citoyens sans frontières, non confessionnel et non partisan, ouvert à tous les êtres libres et de bonne volonté. Leur objectif est de transmettre et d'acheminer tous messages et textes pour la paix entre les hommes, les cités, et les peuples.

    La paix entre les êtres humains, les cités, et les peuples, qu’est-ce que cela signifie en période de pandémie ?

    C’est, en fait, une manière d’être, une manière d’agir, dans les situations les plus critiques. Avec ce que cela implique, comme engagement, « à mettre en œuvre les moyens qui sont les leurs pour agir en vue d’un rétablissement ou d’un renforcement de la paix là où elle est menacée. » (Article 3 des Statuts, Première implication)

    Article qui précise, d’emblée, que « la paix dont il est question signifie la libre circulation des personnes, idées, objets en mouvement pour une harmonie entre les êtres humains. »

    Lettre N° 112 - Avril-Décembre 2020

    Or voici que, depuis la mi-mars, une forte moitié de l’humanité est en état de confinement, Les villes sont devenues des villes fantômes. Nous sommes tous aux arrêts, assignés à résidence. Au premier jour du ramadan, la Mecque même est déserte. Comme Athènes, Paris, Madrid, Londres, New York…

    Facteurs d’inquiétude, d’angoisse, de tension interne, peur diffuse.

    31 décembre 2020

    Cette lettre n’a pas été envoyée fin avril. C’était toujours l’avalanche. Le déconfinement de l’été nous a apporté un sursis, mais on savait l’épée de Damoclès du virus suspendue au-dessus de nos têtes, invisible, inexorable. On sentait l’information appelée à devenir périmée d’une semaine à l’autre. Et combien cette impression était fondée !

    La guerre américaine du Viet-Nam a fait 58.209 morts dans les troupes américaines (un million cinq cent mille dans les deux armées vietnamiennes, et un à deux millions de morts chez les civils du Viet-Nam). Le 29 avril 2020, avec 58.400 morts du virus, les Américains venaient de dépasser leur bilan de pertes en 19 ans et demi de guerre. Singulièrement, les Vietnamiens, eux, étaient très peu touchés par la pandémie (zéro mort en avril !).

    Aujourd’hui, 30 décembre 2020, le chiffre américain est de 338.770. Viet-Nam : 35.

    Une partie du travail de nos Messageries est de suivre l’évolution de la pandémie quotidiennement, depuis le 18 mars 2020, de par le globe, et dans 21 pays en particulier.

    Si l’Italie était à 28.000 morts du covid fin avril, et l’Espagne à 24.500, elles sont passées respectivement à 73.000 et 50.000. La France, elle, comptait un peu plus de 24.000 morts au 1er mai. Nous sommes à 64.000. Le Royaume-Uni est monté de 35.000 à près de 72.000. Plus inquiétant pour eux : les Allemands géraient bien la crise sanitaire en mai, avec seulement 8.000 décès, un modèle pour l’Europe. Depuis la mi-novembre, leur situation a basculé, avec 32.000 morts fin décembre.

    On comprend à l’aune américaine combien ce virus est ravageur, cinq à six fois plus meurtrier que la plus longue de leurs guerres. Il le sera bien dix fois plus lorsque nous en aurons fini avec cette épidémie. Puisque les épidémies s’en vont comme elles sont venues, au bout d’un an ou deux, vaccins ou pas.

    Cf. la grippe dite espagnole de 1918-1919 – américaine en fait, originaire du Kansas – et ses cinquante millions de morts, peut-être le double.  Ci-joint, déjà le masque, fin 1918, sur la côte Ouest.

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    En France, qui se souvient de la grippe de Hong Kong, l’hiver 1969, et ses 31.000 morts ? Bilan mondial : plus d’un million de morts.

    La question, pour une organisation humanitaire comme la nôtre, est depuis mars de savoir ce que nous pouvons faire, objectivement, pour prendre notre part, nous qui ne sommes ni médecins ni infirmiers, infirmières.

    Notre travail a toujours été d’aller sur le terrain, que ce soit dans les Balkans, au Sahel, en Algérie, ou en Israël-Palestine. Pour « transmettre et acheminer tous messages et textes pour la paix… », et « mettre en œuvre les moyens qui sont les nôtres pour agir en vue d’un rétablissement ou d’un renforcement de la paix… ».

    On a parlé de guerre mondiale depuis mars 2020. Une guerre biologique. Le président français, lui-même victime du covid en décembre, le déclarait à la mi-mars : « Nous sommes en guerre, en guerre sanitaire certes. Nous ne luttons ni contre une armée, ni contre une autre nation. Mais l’ennemi est là, invisible, insaisissable, qui progresse. »

    Seulement, reprenons le fil du temps là où il a commencé pour nous, Messageries de la Paix, en 1993. Sur la route de Sarajevo.

    Au commencement, tout était simple.

     

    Une grande cité européenne, historique – là où avait commencé la Première Guerre Mondiale – était assiégée, tambourinaient les media. Tous les media occidentaux. Une sordide guerre civile déchirait ceux que l’on nommait jusque-là Yougoslaves.

    Les survivants de la Seconde Guerre Mondiale, les témoins, étaient encore alertes en 1993. Nous avions le devoir, sous leur regard inquiet, de tout mettre en œuvre, de fait, pour que cette guerre à nos portes n’embrase pas tout le sud-est de l’Europe, et au-delà.

    Tout était simple, si simple. Les Serbes étaient les méchants, disaient Le Monde, Time Magazine, The Guardian… Les Bosniaques (musulmans) étaient les pauvres victimes. Les Croates, de braves Croates. Il fallait y aller ! Les dissuader de s’étriper, coûte que coûte. Sarajevo, à 1.800 km par la route, n’était pas beaucoup plus loin que Lisbonne (1.740) ou Varsovie, Naples (1.600), et bien moins loin qu’Athènes (2.870). Nous n’avions rien, ni véhicule pour convoyer quoi que ce soit, ni budget. Il fallut créer une association, de loi 1801, et partir à zéro.

    Un long article de six pages, dans le magazine Actuel de Mars 1994, relate l’épopée, sous le titre Français, anonyme, sur la Route Diamant. Un encart montre notre premier Trafic Renault, prêté par un vendeur de voitures d’occasion.  Rempli de livres, de vivres, de médicaments.

    Parmi les livres : Pascal, Voltaire, La Boétie, Giono, Vercors, Saint-Exupéry, Martin Gray, l’abbé Pierre, Brassens…

    Rien à renier, rien à jeter, un quart de siècle plus tard. Mais comme tout cela semble loin !

    Le conflit d’ex-Yougoslavie était bien une remontée des guerres balkaniques de 14-18 : on finissait avec lui le siècle, par où il avait commencé. Giono, Vercors, Saint-Exupéry, Martin Gray, l’abbé Pierre, Brassens, tous ils avaient traversé la Seconde Guerre Mondiale, péniblement, dangereusement. Ils étaient, logiquement, nos garants, nos soutiens.

    Notre premier convoi, fin 1993, partit de chez Martin Gray, aux Tannerons, la maison qui avait brûlé… Un autre, en 1994, partit de chez l’abbé Pierre, qui nous avait prêté son bureau, sa machine à écrire, sa photocopieuse…

     

    Lettre N° 112 - Avril-Décembre 2020

     

    Nous reçûmes, début octobre 1994, un émouvant message de Jean Israël, le copilote de Saint-Exupéry (lire, relire Pilote de guerre). Nous étions sur axe.

    Mais, avec le coronavirus ?

    « Vous faites partie de ceux qui ont le courage de faire ce que chacun devrait faire… » écrivait Jean Israël. Mais en 2020, que fallait-il faire ?

    Lettre N° 112 - Avril-Décembre 2020

                                                                                                                              

     

     

     

    Article 3 - Première implication

    La paix dont il est question signifie la libre circulation des personnes, idées, objets en mouvement pour une harmonie entre les êtres humains. Dans cet esprit, les membres de Peace Lines s'engagent à mettre en œuvre les moyens qui sont les leurs pour agir en vue d'un rétablissement ou d'un renforcement de la paix, là où elle est menacée.

    Article 4 - Deuxième implication

    Les membres de Peace Lines, dans leur action constante vers cette paix, rejettent toute politique de servitude, d'assujettissement ou d'atteinte à la dignité humaine. En ce sens, ils veillent à une cohérence continue de leurs actes et paroles.

    Article 5 - Troisième implication

    Ils se retrouvent et s'associent librement, sans aucune considération d'âge, de rang social ou d'appartenance à quelque « ethnie » que ce soit. La disponibilité et la fiabilité sont leurs critères essentiels.

     

     

     

    «Nous sommes en guerre, en guerre sanitaire certes. Nous ne luttons ni contre une armée, ni contre une autre nation. Mais l'ennemi est là, invisible, insaisissable, qui progresse. Et cela requiert notre mobilisation générale», a déclaré le président français en appelant à «éviter l'esprit de panique» et à ne pas croire «les fausses rumeurs, les demi-experts ou les faux sachants». «Nous devons tous avoir l'esprit de responsabilité».

    16 mars 2020