• Lettre n°78 - nov 2013

    Lettre n°78 - nov 2013

    Les 8 de France en Coupe du Monde de Parachutisme en Bosnie 20 ans après !

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    Lettre de liaison n°78

    24 novembre 2013

     

     

    Lettre n°78 - nov 2013

     

    26 prisonniers palestiniens (d’avant les accords d’Oslo en 1993) libérés le 30 octobre

    • Cassidy est reparti pour un tour !

    Grâce à la générosité de nos amis de Troyes, de Mâcon, de Saint-Denis, Cassidy, notre vaillant petit camion (Bosnie, Kosovo) est sauvé. Et même, nous avons pu réserver un billet d’avion pour le prochain voyage en Israël-Palestine, début 2014 ! Confiance, constance…

     

    • Bosnie : Coupe du Monde à Banja-Luka !
    • Lettre n°78 - nov 2013                             Lettre n°78 - nov 2013

    La rivière que vous voyez sur la photo de gauche, c’est la Vrbas, qui prend sa source près de Gornji-Vakuf, et qui est notre voie d’accès en Bosnie par le Nord. Elle traverse Banja-Luka, capitale de la République Serbe de Bosnie, avant de se jeter dans la Save, limite nord des Balkans, de Ljubljana (Slovénie) à Belgrade (Serbie) via Zagreb (Croatie). C’est dire l’importance qu’elle a toujours eu pour nous, comme passage et comme symbole.

    Qu’elle puisse être survolée un jour, à Banja-Luka, porte Nord de la Bosnie, par des équipes de parachutistes qui disputent une coupe du monde, si quelqu’un avait formulé ce rêve voici 20 ans, en 1993, lorsque la Bosnie brûlait, on lui aurait ri au nez.

    C’est pourtant bien ce qui a eu lieu, l’été dernier, et ces petites silhouettes en noir que vous voyez, ce sont les 8 membres de l’équipe de France de vol relatif, Julien Degen, Bruno Perin, les frères Bernier…, qui ont devancé les Russes, les Américains, les Anglais, les Arabes de Dubaï. L’équipe féminine de France a d’ailleurs aussi remporté la médaille d’or, ainsi que les équipes françaises de free fly et de free style.

    C’est tout le sens de notre espérance combative : cette conviction ancrée dans une logique humaine : toute guerre a ses limites, et notre tâche est de le rappeler, de les rapprocher. Au plus bas de la chute, au plus sombre des ténèbres, il faut toujours garder cette certitude au cœur : rien n’est fait pour durer éternellement, pas plus le mal que le reste.

     

    Les prisonniers palestiniens d’avant Oslo

     

    En 1993, avec les accords d’Oslo, paraphés par Yitzhak Rabin et Yasser Arafat à Washington le 13 septembre, il  restait de fortes zones d’ombre, qui expliquent la défiance de bien des Palestiniens, et l’explosion de la Seconde Intifada, en septembre 2000. Parmi ces zones sombres, l’absence de tout suivi des accords sur le terrain, et le sort des prisonniers palestiniens, qui sont tombés 20 ans dans les oubliettes de l’Histoire.

    A quoi peut-on juger qu’une guerre est terminée, si ce n’est à la question des prisonniers ? Conscients de ce manque critique, de ce manquement, nous avons intégré en 2008 le problème de ces prisonniers oubliés au cœur même de notre Campagne Ouvrez les Portes.

    Lettre n°78 - nov 2013

    Lettre n°78 - nov 2013                 Lettre n°78 - nov 2013

    Nous ne sommes pas sourds aux protestations des parents de victimes israéliennes d’attaques, d’attentats commis par ces détenus. Nous entendons leurs cris, leur douleur. Comme nous entendons les cris, la douleur des familles de l’autre côté, qui sont tombées, elles aussi, dans le vortex horrifiant de la guerre, de la lutte armée. Bien vaine est la question de savoir qui a commencé. Il importe seulement de vouloir que cela finisse un jour, maintenant.

    Aussi saluons-nous le courage politique des gouvernants israéliens qui ont choisi d’affronter la colère de deuils inachevés, pour permettre la libération graduelle des « prisonniers oubliés ». Premier gage d’une volonté nouvelle de recréer une confiance progressive, afin d’aboutir à un accord de cessez-le-feu final en 2014, d’ici six mois.

     

     Lettre n°78 - nov 2013     Lettre n°78 - nov 2013

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    Nous avons choisi ces quelques images de retrouvailles, après les libérations d’octobre 2013, pour ce qu’elles donnent à voir, simplement, au-delà de tous discours. Ces hommes, aujourd’hui de retour parmi les leurs, ont passé plus de 20 ans en prison. Selon le droit pénal français, la peine dite de sûreté est de 22 ans dans le cas d’un « emprisonnement à perpétuité », quels que soient les crimes commis. Elle est portée à 30 ans pour ce qui est de la « perpétuité incompressible », appliquée aux auteurs de meurtres d’enfants mineurs avec viol ou torture, et à ceux qui ont tué « en bande organisée » des représentants de l’autorité publique. Toute législation disparait en temps de guerre.

    Le geste du gouvernement israélien n’en a que plus de portée : il signale une volonté d’en finir avec la logique du vortex de guerre et des lois martiales, pour revenir, progressivement, aux conditions de possibilité d’un monde sans violences permanentes, d’un monde libéré de ses compulsions systématiques de vengeance, de représailles sans fin.

    La force est de savoir s’arrêter, sans contreparties immédiates, sans marchandage. Elle n’est pas de cultiver sans cesse la souffrance et la haine, de remâcher interminablement la peur et le rejet. Le « terroriste palestinien » était, avant sa chute, un homme comme les autres, soucieux surtout d’un toit, d’un territoire, d’une dignité non négociable. Le pilote israélien d’hélicoptère de combat est, avant tout, un fils solidaire des siens, un étudiant, qui rêvait de bien d’autres vols.

    Le tort fondamental est de ne pas voir l’Autre débarrassé de ses oripeaux d’appartenance, de ses uniformes, de ses drapeaux même. Vient un temps, de typhons comme aux Philippines, de catastrophes planétaires successives, qui nous impose de rouvrir enfin les yeux sur notre commune humanité, quel que soit le camp, quelle que soit la cause. 409 parlementaires européens (53,4%) soutiennent aujourd’hui notre Campagne Ouvrez les Portes.

      

    • Les questions de Noam et Naomi (regard de Jack London)

    Plus que jamais, nous sommes pressés par le Temps. Ou bien nous vous aurions adressé cette Lettre plus tôt. Nous sommes « au taquet », en permanence. Toujours entre Strasbourg, Bruxelles, lieux européens du pouvoir, et Jérusalem, Ramallah, Sderot, Gaza… Souvenez-vous de cette Pensée de Pascal : « Rien ne s’arrête jamais pour nous… », et c’est heureux (même si « contraire à notre inclination »), car l’ultime repos, le grand arrêt, où le trouverons-nous vraiment, si ce n’est dans la paix glaciale et statique des cimetières ?

    Questions de temps, de priorités, d’intensités : la colère, le malaise grondent en France, d’Est en Ouest, les liquidations d’entreprises se multiplient, des craquements de mauvais augure se font entendre, les avis de tempêtes se suivent, en cascade… Les dirigeants n’ont-ils pas les mêmes oreilles que les autres ?

    Nous avançons dans cette mer formée, comme disent les marins, chargés à ras bord, avec un souci : mieux répartir la charge, que d’autres en prennent une petite partie, si petite soit-elle, et nous délestent un peu, de sorte à pouvoir progresser plus librement.

    Une étudiante de Reims, Nat, qui se destine à l’enseignement secondaire, nous a écrit son intérêt pour les Messageries, qu’elle nous enverrait un premier soutien en septembre, et qu’elle s’engagerait plus réellement après ses études universitaires, lorsqu’elle serait entrée dans ce qu’on nomme « la vie active ».  Est-il inutile de se rappeler qu’elle tenait déjà ce raisonnement en tant que lycéenne, qui consiste à remettre à plus tard, au nom toujours « d’autres priorités » ?

    Lettre n°78 - nov 2013

    Raisonnement que réfute, à la base, Martin Luther King avec son cri « Why we can’t wait » : « Pourquoi nous ne pouvons pas attendre », mais aussi Jack London, l’écrivain, navigateur, prospecteur, journaliste… Confronté aux étudiants de Yale, qu’il considérait comme les plus « véritablement conservateurs » au monde, il les mettait en garde :

    « Il est incontestablement vrai, en général, que la vie universitaire américaine fait beaucoup pour l’esprit conservateur ; qu’elle donne à l’individu cette tendance à prendre les choses comme elles sont plutôt qu’essayer de les rendre meilleures ; en bref, qu’elle tend à l’acceptation passive plutôt qu’à la créativité expressive. (…) Cette vie universitaire présente bon nombre de caractéristiques de la vieille vie monastique. Les étudiants s’enferment, la plus grande partie du temps, entre les murs de leurs bâtiments et ils trouvent leurs nourritures dans les livres et les longs développements verbaux. Ils ont leur cycle quotidien de devoirs à remplir (…). Ils vivent pour l’essentiel dans une atmosphère d’esprits figés par l’écrit. » C’était en 1906.

    Raisonnement que réfute, à la base, Martin Luther King avec son cri « Why we can’t wait » : « Pourquoi nous ne pouvons pas attendre », mais aussi Jack London, l’écrivain, navigateur, prospecteur, journaliste… Confronté aux étudiants de Yale, qu’il considérait comme les plus « véritablement conservateurs » au monde, il les mettait en garde :

    « Il est incontestablement vrai, en général, que la vie universitaire américaine fait beaucoup pour l’esprit conservateur ; qu’elle donne à l’individu cette tendance à prendre les choses comme elles sont plutôt qu’essayer de les rendre meilleures ; en bref, qu’elle tend à l’acceptation passive plutôt qu’à la créativité expressive. (…) Cette vie universitaire présente bon nombre de caractéristiques de la vieille vie monastique. Les étudiants s’enferment, la plus grande partie du temps, entre les murs de leurs bâtiments et ils trouvent leurs nourritures dans les livres et les longs développements verbaux. Ils ont leur cycle quotidien de devoirs à remplir (…). Ils vivent pour l’essentiel dans une atmosphère d’esprits figés par l’écrit. » C’était en 1906.

    Un siècle plus tard, avec plus de 20 ans d’internet et d’écrans derrière nous, la tendance à l’enfermement cellulaire dénoncée par Jack London n’a fait que s’aggraver au-delà de tout. Combien d’heures par jour passent le « bon lycéen », l’étudiant lambda, riveté à son écran, à s’emplir systématiquement le crâne de données, de notes, de pages, de paragraphes ? Plus de 12 heures ? 15, 16 en période ordinaire ? Plus de 18 avant les examens ?

    Vivre, ce qui s’appelle vivre, ou s’enfermer et tourner en rond : Jack London concluait que ce dont « l’Amérique [l’Europe non moins] a aujourd’hui le plus besoin, c’est du réveil de ses étudiants. Ils devraient tendre les mains, et prendre le pouls du monde… »

    Lettre n°78 - nov 2013

    Martin Luther King ne dit pas autre chose lorsqu’il nous prévient : « Un individu n’a pas commencé à vivre tant qu’il ne parvient pas à s’élever au-dessus du périmètre étroit de ses problèmes d’individualiste pour atteindre aux problèmes plus vastes de l’humanité tout entière. »

    Quitte à se demander, après Jack London, « si l’éducation atteint ou non son but » : « La fonction de l’éducation est d’enseigner aux gens à penser intensément et à penser de façon critique. Mais une éducation qui s’arrête à la seule efficacité risque de se révéler la plus grande menace pour la société. Le criminel le plus dangereux risque d’être l’individu doué de raison mais dépourvu de morale. »

     

    Alors, crois-tu vraiment que tu peux toujours remettre à plus tard ce qui détermine en fait, maintenant, la nature même de ton regard, le poids de tes paroles ? Place-toi toujours au centre du monde, et il reste à te souhaiter d’être toujours riche, jeune et belle/beau… Ose, par contre, tendre les mains, chercher le pouls (si faible ici, médiatiquement) de ceux qui sont enfermés non par leurs propres craintes, mais par des murs de béton et de terreur (près de 2 millions de Gazaouis ainsi enfermés depuis 7 ans ! près d’1 million et demi d’Israéliens qui vivent dans la hantise quotidienne des roquettes aveugles…).

    Oser sortir du carcan des idées reçues, du moindre effort, de la ligne de plus grande pente, et admettre, comme King, que « l’intelligence ne suffit pas » : « L’éducation complète vous donne non seulement le pouvoir de concentration mais des objectifs dignes de notre concentration. »

    Ce n’est certes pas le pouvoir de concentration qui est en cause, mais où sont les objectifs qui en soient vraiment dignes ?

    L’erreur est de croire qu’un engagement sur des objectifs « dignes » (selon King & London) vous prend le peu qui vous reste (de temps, d’argent), transformant l’association en organisme prédateur. Avec la création du Compte Fontaine, nous voulons montrer qu’une association de solidarité fonctionne en alternatif et en continu : elle peut donner, y compris de l’argent, y compris ici, dans l’Hexagone. Elle donne de toutes façons, car le temps que nous consacrons à cette quête infinie de justice, de sens, de paix enfin, est le contraire même des temps  morts, de confusion, de dépression, de prostration.

    Lorsque gagnent, autour de nous, et parfois en nous, les voix du renoncement, de la fatalité, du cynisme à la fin, le seul recours est de savoir la présence fiable, prouvée, disponible, de compagnons dont le parcours est avéré, continu.

    Alors, ensemble, nous nous renforçons de nos victoires passées – aux portes de l’Europe, dans les Balkans, puis à celles du Sahara, en Algérie… -- et nous développons cette conscience de ce que peuvent lucidité et solidarité, face aux périls réels qui nous guettent.

    Maintenant : c’est de maintenant, ici, qu’il s’agit, et de ce que nous avons à partager, à nous dire, au-delà des banalités d’usage et des paroles perdues, inutiles.

    409 parlementaires européens ont engagé leur nom, leur réputation, sur notre campagne. Combien sommes-nous, de citoyens « ordinaires », avec eux ?

    A la finale, il s’agit bien de donner, prendre aussi : faire circuler, rétablir une circulation

     

    • Le Compte Fontaine : le Tournant
    Lettre n°78 - nov 2013

    Auguste Fontaine fut démineur volontaire en Bosnie Centrale en 1992-1993, après s’être engagé dans « l’action solidaire » au Tchad, en Sierra Leone, au Kurdistan (il y était chauffeur-mécanicien-logisticien de convois humanitaires).

    En 1993, nous aurions pu nous croiser, sur la route qui va de Novi-Travnik à Visoko, mais cette route était une ligne de front entre Bosniaques (au Nord) et Croates (au Sud). Auguste s’était enrôlé dans les rangs de l’Armija bosniaque : il est resté au Nord de cette ligne, tandis que nous n’arrêtions pas de franchir les lignes de front, dans tous les sens.

    Il en est revenu plus lucide que jamais (« Que retenir de mon engagement dans l’armée bosniaque ? La guerre, aujourd’hui, m’apparaît comme une expérience condensée de la vie en général. »)

    Auguste est mort, brutalement, le 15 avril 2010, mais nous avons ouvert le Compte Fontaine sur la base de versements volontaires pour que vive sa mémoire.

     

    Le Tournant, pour nous, c’est cette année 2013 où l’on voit le pays, ici, s’enfoncer par pans entiers dans une détresse, une misère jusque-là oubliées, ou inconnues.

    Nous vous rappelons le principe du Compte Fontaine : 

    Il fonctionne selon 3 règles simples :

    • il s’agit de micro-crédit, concept que nous devons à l’économiste pakistanais Muhammad Yunus, qui lui a valu le Prix Nobel de la Paix en 2009. Micro-crédit : prêt d’honneur, de faible montant, sans intérêt, pour aider à sortir de situations critiques.
    • la somme empruntée est remboursable selon un échéancier qui est fonction des possibilités du demandeur, sur plusieurs mois ; le cas échéant, 1 an, ou 2, ou 3. Personne n’a à justifier des raisons qui poussent à demander un tel prêt. Il suffit d’en adresser la demande à un membre du Comité Directeur des Messageries de la Paix, et c’est le Comité qui prend la décision de retrait, selon les possibilités.
    • peuvent en bénéficier : tous les membres des Messageries de la Paix à jour de leur cotisation (cotisation-plancher de 20€ annuels), à l’exclusion des membres du Comité Directeur. Le plafond de ce compte, en souvenir d’Auguste, est fixé à 4.000€. Toute personne peut abonder ce compte.
    Lettre n°78 - nov 2013